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Channel: Élections présidentielles Salvador 2009
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Victoire historique de la gauche au El Salvador

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C'est dimanche le 15 mars qu'ont eu lieu les élections présidentielles. Elles ont conféré une victoire historique au parti de gauche FMLN. Son candidat, Mauricio Funes, a obtenu 51,29 % des voix.

Les 9 543 bureaux de vote étaient prêts à accueillir les quelques 4,3 millions d'électeurs inscrits sur les listes électorales dès 7h. De ce nombre 2,6 millions se sont rendus aux urnes.

4 000 observateurs nationaux et internationaux dûment accrédités ont participé à l’observation de ces élections. En tant qu'observateurs internationaux affiliés a
u Centro de Intercambio y de Solidaridad (CIS), nous représentions la mission d’observation étrangère la plus nombreuse. Les 268 observateurs dont nous faisions partie provenaient de 19 pays et nous avons couvert 28 municipalités situées dans 8 départements. Notre groupe a quant à lui observé les élections dans la municipalité de Chalatenango, dans le département du même nom.


Nous avons débuté notre observation à Chalatenango le 13 mars. Nous avons rencontré le président de la junte électorale municipale (M. René Antonio Romero), le maire de la ville (M. José Rigoberto Mejia), ainsi que des représentants du FMLN. Nous avons remarqué que certains des militants du FMLN et d’ARENA se sont illégalement livrés à de la publicité électorale les 13 et 14 mars, alors que la campagne électorale était officiellement terminée. Nous sommes aussi allés vérifier la présence d'un barrage populaire dans le canton de Guarjila situé à la frontière avec le Honduras. Selon les dires du maire de Chalatenango, des Honduriens y étaient présumément retenus par la population locale.




En nous rendant à Guarjila, nous avons effectivement découvert l'existence d'un barrage populaire. Celui-ci avait été installé 8 jours avant les élections et la population locale nous a affirmé qu'elle s'assurait d'empêcher que des Honduriens recrutés par le parti au pouvoir ne viennent voter et falsifier les résultats du vote.
Or, entraver la circulation des routes représente une violation de la Constitution et de la loi électorale salvadoriennes. De l'autre côté, des tentatives illégales de vote d'Honduriens munis de cartes d'identification salvadoriennes avaient été dénoncées par certains obervateurs lors des élections législatives de janvier et les gens de Guarjila ne voyaient pas un moyen plus efficace d'empêcher des fraudes éventuelles que l'instauration de ce barrage. Ajoutons aussi que 2 jours avant les élections, les résidents de Guarjila ont obtenu l’appui de la police nationale qui a pris en charge le contrôle du barrage, légitimant par le fait même l'action préalablement entreprise par les résidents du canton.

Le jour J, nous avons débuté notre observation dès 5h am. Le centre de vote de Chalatenango était à ciel ouvert. Nous nous sommes partagés l'observation des 53 tables de réception de vote
que comptait le centre. Outre notre équipe, il y avait aussi des observateurs de l'Union européenne et de l'OEA ainsi que des observateurs nationaux provenant majoritairement des universités nationales et du bureau d’Ombudsman pour les droits de la personne. Notre travail a consisté à observer la réception du matériel électoral et son installation, le déroulement du vote sous le chaud soleil de Chalatenango ainsi que le déroulement du scrutin final et la fermeture du centre de vote. Quelques-uns des membres de notre équipe ont également surveillé les alentours du centre afin de s'assurer qu'aucun militant d'un des partis ne s'adonne à de la propagande politique à moins de 100 mètres de celui-ci et afin de vérifier la présence ou non de militaires. D'autres ont visité les bureaux du FMLN et d'ARENA afin de vérifier que personne ne se livre à des pratiques d'achat de votes.

Le vote et le décompte se sont déroulés dans un climat relativement calme. La majorité des irrégularités que nous avons pu observer étaient majoritairement dues à des erreurs commises par les membres des tables réceptrices de vote, probablement causées par une maîtrise insuffisante de la loi électorale. De façon générale, nous avons observé une forte présence de policiers armés dans le centre de vote, un nombre d’autobus fourni aux électeurs par ARENA fortement plus élevé que celui fourni par le FMLN (certainement dû à l'inégalité des ressources financières entre les deux partis), une violation du droit au vote secret à cause de l'étroitesse des bureaux et de la présence de vigilants des deux partis à côté même des isoloirs et des urnes. Notons au passage, même si cela n'est pas une irrégularité en soi, que les vigilants des partis politiques étaient clairement identifiés ARENA ou FMLN à l’aide de dossards, ce qui pouvait intimider certains électeurs surtout lorsque les vigilants se tenaient à côté des isoloirs. Nous avons aussi observé une mauvaise utilisation de l'encre indélébile, la signature de p
lusieurs bulletins de vote avant même que se présente l’électeur (ouvrant la porte à la possibilité de fournir plus d’un bulletin de vote à un électeur) et l'exercice de leur droit de vote par des personnes munies de cartes d’identification endommagées ou ne correspondant pas entièrement aux listes électorales.Également, le centre de vote n’était pas doté des infrastructures nécessaires pour les personnes handicapées, un membre de la junte électorale municipale aurait influencé le vote d’un électeur en lui promettant un transport s’il votait pour son parti et un membre d’une table de réception de vote a indiqué à une personne âgée pour quel parti elle devait voter. Enfin, nous avonsété témoins d’un journaliste filmant un électeur en train de voter et des journalistes de Mégavision ont dénoncé à la télévision un cas de fraude vers les 11h, alors qu'une personne aurait voté puis laissé sa carte d’identification sans venir la chercher, présumant fortement que cette personne soit ensuite aller voter un seconde fois dans un autre centre de vote.

De leur côté, d’autres observateurs du CIS ont observé dans les localités qui leur étaient assignées des pratiques d’achat de vote, la présence de policiers anti-émeute, des tentatives de vote à l'aide de photocopies de cartes d’identification, des personnes voter au nom de personnes préalablement décédées mais inscrites sur les listes électorales, des incidents violents entre supporteurs des deux partis et des électeurs qui se sont enfuis en courant après avoir voté sans récupérer leurs cartes d’identification ni marquer leurs doigts à l’encre indélébile.


Si la plupart des irrégularités que nous avons observées le jour du vote semblaient dues à des erreurs, nous pensons que des fraudes auraient quant
à elles pu être commises bien avant le 15 mars et auraient été rendues possibles en grande partie à cause du caractère obsolète de la loi électorale et le manque de transparence des listes électorales sous contrôle exclusif du parti ARENA.

Les premiers résultats des élections ont été annoncés vers les 20h. Vers 21h30, la victoire du candidat du FMLN, Mauricio Funes, était annoncée en grandes pompes à la radio. Ce fut un véritable moment historique. Pour la première fois, la gauche s’emparait du pouvoir exécutif au El Salvador.

Selon plusieurs analystes, dont le professeur Antonio Uribe que nous avons rencontré le 16 mars, ce virage à gauche était une nécessité sociale pour le peuple salvadorien. Selon ses dires, l'État salvadorien était contrôlé par un gouvernement oligarchique qui asphyxiait la majorité de la population par une privatisation des services publics, la conclusion du Traité de libre-échange, la dollarisation du pays et l'envoi de troupes en Irak. Plusieurs Salvadoriens et Salvadoriennes manifestaient même le désir de quitter le pays dans l'éventualité d'un nouveau terme du parti ARENA.

L'investiture du nouveau président se fera le 1er juin prochain. Néanmoins, il nous est permis de penser que le parti de Mauricio Funes éprouvera sûrement quelques difficultés à gouverner. Pour cause, si le FMLN a obtenu la majorité des sièges à l'Assemblée législative, il n'y détient pas la majorité absolue. Une possible coalition ARENA/PCN lui mettrait sans aucun doute les bâtons dans les roues. C'est pour cette raison que Mauricio Funes affirme qu'il sera primordial pour son governement de trouver des terrains d'entente avec ARENA à l'Assemblée législative. Reste à espérer que la transition se fera sans heurt et que la stratégie de Mauricio Funes portera ses fruits.

Jamais en 500 ans n’avait-on vu de pluie au El Salvador en ce temps de l’année. Pourtant, lors de notre réveil le 15 mars, il pleuvait à boire debout. En ouvrant les yeux dans notre petite cabane rustique du fond de la forêt de Chalatenango, nous entendions s'exclamer au loin « Hasta el clima esta cambiando ! » (« Même le climat est en train de changer »), présumant drôlement un revirement politique historique.

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